ManiFeste-2013 » Holliger http://manifeste2013.ircam.fr festival 29 mai - 30 juin Fri, 26 Sep 2014 11:41:32 +0000 fr-FR hourly 1 http://wordpress.org/?v=4.1 Final Holliger http://manifeste2013.ircam.fr/event/final-holliger/ http://manifeste2013.ircam.fr/event/final-holliger/#comments Sun, 30 Jun 2013 20:00:00 +0000 http://manifeste2013.ircam.fr/event/final-holliger/ CONCERT COMPLET

Une soirée dans le panthéon musical de Heinz Holliger à la tête d’un ensemble de jeunes musiciens issus de la Lucerne Festival Academy Orchestra. Le chef d’orchestre et compositeur donne libre cours à son goût pour les œuvres polyphoniques comme celle de Carter ou prototypes tel le Kammerkonzert de Ligeti, devenu un classique du XXe siècle.

holliger-directionHeinz Holliger © Daniel Vass

Le dernier mot de ManiFeste-2013 appartient au récent quatuor vocal a cappella, action de reconnaissance de Holliger mettant en musique dix épigrammes mystiques d’Angelus Silesius (1624-1677). L’invention constante du souffle et de l’écriture vocale se fait miroir de la pensée de Silesius.

  • Vittorio Montalti Tentative d’épuisement, création Cursus 2
  • Elliott Carter Mosaic
  • Heinz Holliger nicht Ichts nicht Nichts*, Puneigä, créations françaises
  • György Ligeti Kammerkonzert

Anu Komsi soprano
Luigi Gaggero cymbalum
EXAUDI*
Ensemble du Lucerne Festival Academy Orchestra
Direction Heinz Holliger, James Weeks
Réalisation informatique musicale Ircam Vittorio Montalti
Encadrement pédagogique Ircam Mikhail Malt

Production Ircam-Centre Pompidou. En partenariat avec la Lucerne Festival Academy. Avec le soutien de la Sacem (bourses d’étude aux jeunes compositeurs du Cursus 2) et de Pro Helvetia, Fondation suisse pour la culture.
Nous remercions L’Instrumentarium pour la mise à disposition d’une harpe « Salvi Aurora » pour la master-class d’interprétation pour ensemble et musique de chambre dirigée par Heinz Holliger.

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Holliger-Zimmermann http://manifeste2013.ircam.fr/event/holliger-zimmermann/ http://manifeste2013.ircam.fr/event/holliger-zimmermann/#comments Sun, 30 Jun 2013 15:00:00 +0000 http://manifeste2013.ircam.fr/event/holliger-zimmermann/ Musique de chambre et solos

Solistes du Lucerne Festival Academy Orchestra
Élèves du diplôme d’artiste interprète (DAI) du Cnsmdp

holligerHeinz Holliger et Chloé Ducray (harpe). Répétition de « Passacaglia » © N. Moënne-Loccoz
atelier-holliger1© E. De Gélis
atelier-holliger3© E. De Gélis
atelier-holliger2© E. De Gélis

Production Ircam-Centre Pompidou. En partenariat avec la Lucerne Festival Academy et le Cnsmdp (élèves du DAI, diplôme d’artiste interprète). Avec les soutiens de Pro Helvetia, Fondation suisse pour la culture, de FCM – Fonds pour la Création Musicale et de la Sacem. Nous remercions L’Instrumentarium pour la mise à disposition d’une harpe « Salvi Aurora » pour la master-class d’interprétation pour ensemble et musique de chambre dirigée par Heinz Holliger.

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Noli me tangere http://manifeste2013.ircam.fr/text/noli-me-tangere/ http://manifeste2013.ircam.fr/text/noli-me-tangere/#comments Thu, 20 Jun 2013 12:26:51 +0000 http://manifeste2013.ircam.fr/?post_type=text&p=2191 Une thèse en trois déclinaisons sur Heinz Holliger

1. L’œuvre de Heinz Holliger tient de la biographie.

Non pas les travaux et les jours, dont on retiendra néanmoins ceci : les jeunes années, loin de la guerre, que laissaient seulement deviner des lambeaux de conversation et d’alors obscures nouvelles à la radio (« À l’époque d’Auschwitz, j’étais assis chez moi devant des plats remplis à ras bord et je mangeais tout mon content. Les expériences les plus douloureuses furent à peu près la mort de mon canari et la destruction de ma petite voiture », écrit, glaçant, Holliger) ; la poésie et la lecture, enthousiaste jusqu’à l’identification, de Trakl, ce « torturé, pour qui les mots étaient le seul moyen de survivre », avec leur alphabet de parfums et de couleurs, dans le sillage de Rimbaud (et Holliger de traduire en allemand Le Bateau ivre) ; une musique à l’essence lyrique : le romantisme de Schumann, l’expressionnisme de Berg et le choc des Six Pièces op. 6 de Webern ; l’influence d’un maître, Sándor Veress, dont Holliger dit avoir appris l’attention aux lignes, la rigueur du contrepoint et d’une polyphonie où toute voix doit importer, le sens de la déclamation et de la forme, mais aussi une éthique de l’art et une implacable critique de soi-même ; les cours de Pierre Boulez à Bâle, qui lui dévoile une somptuosité harmonique insoupçonnée ; la pratique, en virtuose inégalé, du hautbois, depuis le répertoire baroque jusqu’à certaines des expérimentations contemporaines les plus hardies ; la direction d’orchestre et la composition d’oeuvres à l’écart, ad marginem.

Ce n’est pas cela que nous entendons par biographie, du moins pas essentiellement, mais, loin de l’idée de musique absolue, d’une autonomie de l’art et de la beauté en soi, une écriture de la vie. Une écriture qui n’existe que dans l’expérience de signes vécus et par leurs traces – et une vie qui n’est ni extérieure ni antérieure à cette écriture. Ou, comme l’écrivait Baudelaire : « La biographie d’un homme dont les aventures les plus dramatiques se jouent silencieusement sous la coupole de son cerveau, est un travail littéraire d’un ordre tout différent ». Holliger dira de Schumann, mais la formulation vaut assurément pour lui-même, que ses œuvres « sont des manifestations d’introversion musicale ». Car les compositeurs dont il ne cesse de se réclamer, Schumann, donc, ou plus près de nous, Bernd Alois Zimmermann, ne se distinguent pas de ce qu’ils composent, où résonne un fort sentiment tragique. Partant, l’œuvre serait non une illustration, un éclaircissement de la vie, et dès lors un objet hors de soi, mais l’expression et la structure de cette vie : ce qui, à l’intérieur de la vie, avec elle et au-dessus d’elle, est ce que cette vie est. Et c’est pourquoi elle engage l’homme entièrement. La biographie ne se borne pas à reproduire une vie d’homme et n’est pas vouée à l’imitation des menus faits de son quotidien, pas plus qu’elle ne combine ses thèses, n’en cultive la rhétorique savante ou n’ordonne des rapports de cause à effet. La forme s’y expose non en tant que telle, mais toujours en lien avec ce que Holliger nomme l’« âme de la musique », dans la vastitude des significations que cette dernière suscite : idées, émois, visions, associations, évocations d’autres mondes, en deçà de la différence des arts. L’œuvre - Scardanelli-Zyklus ou Puneigä l’attestent – se fait carnet, journal de la « coupole » baudelairienne. Ou portrait de l’autre, de l’« âme derrière l’instrument », comme la Partita composée pour l’ami András Schiff. La foi de Holliger tient tout entière dans cette écriture, qui révèle une immensité spirituelle et accepte parfois de la vie ce qui risque de la supprimer.

2. L’œuvre de Heinz Holliger tient de la biographie.

Friedrich HölderlinFriedrich Hölderlin, Der Winter (L’Hiver) (1842), Manuscrit. © Fondation Martin Bodmer

Une écriture de la vie, du bios : « Je sens la musique comme un phénomène biologique ». Ou encore : « Je considère que la musique entre aussi par la peau ». Car la musique passe moins par le concept philosophique, envers lequel Holliger nourrit de la méfiance, que par le corps et l’énergie animant le son. Rythmes et motifs en témoignent, de même que les œuvres, destructives, de la fin des années 1960 et du début des années 1970 : Kreis, Lied et Cardiophonie, où l’interprète atteint à ses limites physiques, et auparavant, h, Dona nobis pacem, Pneuma et Psalm, élargissant les techniques instrumentales et vocales, et renonçant à l’occasion au contrôle des hauteurs, à la faveur de bruits, de sons complexes, d’éléments phoniques et phonétiques instables, au seuil de la rupture. Souvent, l’effectif se veut poumon. Car le souffle est ce qui incarne, au sens le plus strict, la vie. C’est pourquoi les voix, principalement chorales, et les instruments à vent (le hautbois, bien sûr, mais aussi la flûte) sont tellement importants dans l’œuvre de Holliger : la flûte, concertante ou soliste, jalonne Scardanelli-Zyklus, autant parce que Hölderlin, dont nombre de poèmes sont ici chantés, en jouait, que par sa nature pneumatique propre. « Le mouvement du souffle, la systole et la diastole du cœur, les rythmes biologiques, les rythmes de la nature ou des astres ne reflètent jamais une division du temps absolument égale. Celui qui parle, qui chante, qui joue d’un instrument ne devient “expressif” et intelligible que s’il tient compte des nuances infiniment subtiles de ces rythmes. Plus la forme rythmique est rigide, plus nous avons le sentiment de ne plus pouvoir respirer, la musique elle-même (et non seulement l’exécutant) tendant à s’essouffler ». C’est en respirant justement, en plaçant exactement la césure, selon un rubato aux réminiscences schumanniennes, que naît le phrasé et que nous remontons à la phrase, avènement du langage à lui-même, avant même ses structures mélodiques et périodiques. Car la musique de Holliger avoisine le langage. Il lui faut apprendre à phraser, ou réapprendre, comme Nelly Sachs, qui surmonta son aphasie en écrivant Énigmes ardentes (Glühende Rätsel) – Holliger mit en musique, pour alto et dix instruments, cinq poèmes de ce recueil.

Nous revient aussi en mémoire un intermède de Beckett, cher à Holliger : Souffle, d’une page seulement, mais qui paraît si dense. Pas une réplique, seulement des didascalies : noir ; brève lueur sur un espace jonché de vagues détritus ; cri faible, sorte de vagissement, aussitôt suivi d’une inspiration (l’éclairage monte), silence ; expiration (l’éclairage descend), à laquelle succèdent tout aussitôt un cri, absolument identique au premier, puis un silence ; noir. Les deux cris délimitent-ils la durée de nos existences, entre naissance et mort, entre l’aurore de la génération et le couchant de l’agonie ? « Cri de naissance – croissance (inspiration) – bref arrêt – lent déclin (expiration) vers la mort, le cri de mort-naissance : naissance négative […] ou répétition du toujours identique ? », s’interroge Holliger, attentif à ne pas trancher, lui qui réalisa en musique les gestes ambigus, les ressassements obsessionnels, les rituels d’anéantissement, l’univers clos, sans écho, pas même de sa propre voix, et l’existence spectrale des personnages de Come and Go, Not I et What Where de Beckett, le schubertien.

Cette respiration, inspiration et expiration, englobe chaque vie de l’univers, du végétal, de l’animal et de l’humain, et jusqu’au ressac de la mer, influence notre perception et détermine notre façon de penser et de sentir tout ce qui est dans le temps et l’espace. Il lui est en outre accordé une dimension spirituelle : l’homme inspirant pour la première fois accueille le souffle d’Elohim, à l’origine de toute vie. Pneuma est souffle – âme – esprit – vie. Le spirituel de la biographie, c’est ce pneuma, ce spiritus de la tradition gréco-latine et judéo-chrétienne, de sorte que la biographie est, si l’on nous autorise cet âpre néologisme, une pneumatographie.

3. L’œuvre de Heinz Holliger tient de la biographie.

Une écriture de vies en marge et d’exclus, aux destins tragiques ou en proie à la folie et à d’inquiétantes visions : Hölderlin, Schumann, Trakl, Walser, Soutter, Celan…

WalserRobert Walser, Carte d’Edouard Korrodi, Rédacteur littéraire de la Neue Zürcher Zeitung. À Robert Walser et Microgrammes de Robert Walser (juin-juillet 1932). © Keystone/Robert Walser-Stiftung

Non que les œuvres de Holliger tiennent de l’art brut, mais, de la déraison, elles semblent retenir ceci : – une simplicité des images et des figures, une structure souvent réduite à quelques archétypes, à une ossature formelle, un art économe, à l’exemple des dernières œuvres de Schumann, dont le sujet s’est absenté, s’est retiré ou, à bout de souffle, s’est brisé, jusqu’à la dissociation ; – une suspension du temps. Scardanelli-Zyklus retient non les grands odes ou hymnes dans lesquels Hölderlin raffinait au-delà de toute mesure les rythmes grecs, y entraînant le vers allemand, mais se concentre sur les poèmes de la folie, dont il ne reste qu’une partie, pour l’essentiel des dernières années – quantité de pages furent détruites, négligées par des visiteurs parfois avertis pourtant. Hölderlin les écrivit dans la tour de Tübingen, où il passa les dernières années de sa vie, de 1807 à 1843, les signa du nom de Scardanelli et les data non sans confusion: 1676, 1743, 1940… Ce calendrier monstrueux dénote l’immuable, une Histoire désormais en échec, loin du jacobinisme et des idéaux de la Révolution française que Hölderlin avait brandis autrefois. Sans guère de métaphores, les poèmes, simples, aux rythmes iambiques réguliers, statiques, comme hors du temps, portent presque exclusivement sur les saisons. « La nature n’y est pas descriptive ou romantique, l’homme est toujours placé au-dehors d’elle, comme derrière une vitre. Il voit sa beauté, mais elle reste intouchable, inapprochable. ». Cette froideur intacte, roide, que la clinique jugerait signe de schizophrénie, les poèmes de Walser l’énoncent également : aussi un cycle de douze lieder pour contre-ténor, clarinette, accordéon et contrebasse, est-il titré Beiseit (À l’écart). Dans Scardanelli-Zyklus, et ailleurs, des harmonies gelées, transparentes, fragiles, d’après l’effondrement, une écriture paralysée, immobile, bien que souvent faite de chorals et de canons, et une forme promise au retour incessant de ses cycles miroitent l’absence de commencement, de tension et de fin ; – une torsion de la langue, qui tend aux jeux de langage – en Suisse, on le sait, naquit Dada.

Limitons-nous à rappeler ici l’intérêt de Holliger pour les dialectes, dont les mots ne sont pas encore domptés, élimés, aplanis par l’usage, et que l’on trouve dans les poèmes de Kurt Marti, pour Rosa Loui, ou dans ceux, hypnotiques, d’Anna Maria Bacher, pour Puneigä. « Ce sont des poèmes païens, crus, et non pas une poésie structurée ou fignolée », autorisant la violence du son, non censurée, la fascination et l’ébranlement, sinon une sorte de chamanisme alpin ; – une écriture de la vie qui ne s’oppose pas à la mort, mais la contient, comme sa condition de possibilité, et dont l’expérience musicale serait la plus originelle et la plus décisive, la plus intime et la plus impérieuse expression. Un moriendo, un diminuendo al niente, des structures menées à leur terme, qu’illustrait déjà le premier Quatuor à cordes, par le ralentissement, un descrescendo, une perte d’énergie, un relâchement des cordes et de la pression de l’archet ou des doigts. Ont depuis suivi d’autres pages arrachées à l’angoisse de la destruction, de la perte et du néant. Holliger évoque même, amusé, ceux qui le définirent comme un « miniaturiste sensible et nécrophile ». De cela, le silence pourrait donner une image sonore, mais il n’est aucunement muet, il n’est en aucune sorte la cessation de la musique en soi, de ses bruissements, mais une vibration, un lieu de tension extrême. Pour autant, l’artiste est celui qui écrit sachant que le sujet est mort, posthume. La biographie est, aussi, une thanatographie.

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Scardanelli-Zyklus de Heinz Holliger à la Cité de la musique http://manifeste2013.ircam.fr/text/scardanelli-zyklus-de-heinz-holliger-a-la-cite-de-la-musique/ http://manifeste2013.ircam.fr/text/scardanelli-zyklus-de-heinz-holliger-a-la-cite-de-la-musique/#comments Wed, 05 Jun 2013 09:42:54 +0000 http://manifeste2013.ircam.fr/?post_type=text&p=2352 Scardanelli. 30 mai 2013 à 20h, Cité de la musique]]> ManiFeste-2013 a choisi une pièce chorale de près de trois heures pour ouvrir le festival. Aussi, c’est peu de dire qu’on entrait à la Cité de la Musique avec un peu d’appréhension ! Le programme est difficile et le compositeur n’est pas connu pour verser dans la facilité. Et pourtant, le miracle de Scardanelli-Zyklus, tel qu’il a été donné ce soir, c’est qu’on ne s’y ennuie pas un seul instant. La grande forme voulue par le compositeur Heinz Holliger instille un envoûtement incomparable, qui s’accentue au cours de la vingtaine d’épisodes d’une oeuvre qui se déplie à la manière d’une immense fresque sonore.

Scardanelli-Zyklus, c’est un peu le portrait du poète Hölderlin par Holliger. On songe bien sûr à Pli selon Pli que Boulez (présent dans la salle) a composé dans les années 60 à partir des poèmes de Mallarmé. Mais le compositeur suisse a imaginé trois cercles pour donner vie à la poésie du romantique allemand. Composé entre 1975 et 1991, le résultat ne lasse pas de surprendre : à une pièce pour chœur (le Chœur de la Radio Lettone), succède une pièce pour ensemble instrumental (Ensemble Intercontemporain), jusqu’à une pièce pour flûte seule (une Sophie Cherrier en apesanteur) et même pour bande ! On pourrait craindre l’hétérogène. Et pourtant, ce qui frappe à l’écoute, c’est la continuité de l’œuvre. Grâce à un travail exceptionnel sur les transitions, Holliger nous fait sentir le passage du temps, jouant sur une gamme de tons clairs pour mieux chanter les saisons chères à Hölderlin.

La musique se déploie dans un fin coloris, à la manière d’un merveilleux camaïeu de gris, subtilement rehaussé de lumières. Le seul véritable corps étranger sera finalement un choral de Bach, extrait de la Cantate 56, presque méconnaissable, qui produit un effet terrassant à la moitié de l’œuvre.

Il fallait sans doute une immense pièce de trois heures pour rendre justice aux 36 années que Hölderlin a passées enfermé dans une tour. Devenu fou, l’ancien et glorieux poète d’Hyperion imagine un patronyme fabuleux, Scarnadelli. La simplicité des poèmes contraste avec les signatures farfelues (les poèmes sont datés entre 1648 et 1940 !). La musique s’écoule avec le rythme implacable des saisons. Le projet de Holliger n’est finalement pas si éloigné des saisons de Vivaldi et Piazzolla, mais en réalité, le dessein est tout autre. Il ne s’agit pas ici de créer quatre mouvements contrastés mais d’immobiliser, voire de suspendre le temps. Les climats de l’année sont propres au compositeur suisse : le printemps et surtout l’été se parent de violentes couleurs (une terrible déflagration résonne dans l’Eté comme si la mort y était contenue), et c’est bien l’Automne et l’Hiver qui deviennent chez lui les pièces les plus lumineuses. Tout en accords parfaits, le chœur y retrouve une sérénité et une transparence qu’on dirait sortie d’un conte de fées avec ses chuchotis de verres en cristal et ses rhombes en tourbillons.

Holliger se livre tout entier sur la scène, avec ferveur, avec fureur, avec grâce. C’est avec sa voix roulante des montagnes qu’il donne le titre de chacune des sections. Le regarder est un spectacle inoubliable : il chante avec le chœur, écoute la tête basse le soliloque de la flûte, mais c’est d’un doigt de fer qu’il signifie les chiffres au chœur dispersé sur la scène. Si la musique envoûte, c’est au prix , on dirait, d’une violence expressive de tous les instants. Et quelle relation aux interprètes, quelle flamme ! L’intercontemporain et le Chœur de la Radio Lettone rayonnent sous sa direction et c’est naturellement une ovation qui salue l’interprétation de l’œuvre.

Scardanelli-Zyklus, une œuvre effrayante ? Trop longue, trop noire, trop lente ? Au contraire, une musique enveloppante et qui récompense profondément celui qui l’écoute.

Concert Scardanelli, jeudi 30 mai, Cité de la musique

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Récital Neuburger http://manifeste2013.ircam.fr/event/recital-neuburger/ http://manifeste2013.ircam.fr/event/recital-neuburger/#comments Sat, 01 Jun 2013 20:00:00 +0000 http://manifeste2013.ircam.fr/event/recital-neuburger/ Variations et sautes d’humeur, réciprocité infinie du poème et de la musique : la musique de Heinz Holliger entretient un très long compagnonnage avec celle de Robert Schumann. Au sein de sa grande Partita pour piano, le compositeur suisse fait résonner certain Sphynx, évoquant le Carnaval de Schumann : quelques notes-lettres d’une signature secrète pour tout un cycle.

Jean-Frédéric NeuburgerJean-Frédéric Neuburger © Carole Bellaiche

Le récital de Jean-Frédéric Neuburger s’ouvrant avec le piano de Robert Platz, métamorphosé par l’informatique sans l’aide d’aucun haut-parleur, s’achèvera dans l’univers fantasque des Kreisleriana. Schumann s’inspire ici des divagations et des pirouettes singulières du maître de chapelle Johannès Kreisler, inventé par E.T.A.Hoffmann : le grotesque est interrompu par la rêverie et la fougue, suspendue par les « il était une fois » réitérés de l’enfance.

  • Robert HP Platz Branenwelten 6, création française
  • Robert Schumann Kinderszenen op. 15, Kreisleriana
  • Heinz Holliger Prélude, Barcarolle, Sphynx 1, Csardas de la Partita pour piano

Jean-Frédéric Neuburger piano
Réalisation informatique musicale Ircam Robin Meier

Production Ircam-Centre Pompidou. Avec le soutien de Pro Helvetia, Fondation suisse pour la culture.

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Scardanelli http://manifeste2013.ircam.fr/event/scardanelli/ http://manifeste2013.ircam.fr/event/scardanelli/#comments Thu, 30 May 2013 20:00:00 +0000 http://manifeste2013.ircam.fr/event/scardanelli/ Enfermé dans sa tour de Tübingen et dans la folie pendant la seconde moitié de sa vie, Friedrich Hölderlin signait ses poèmes d’étranges pseudonymes dont celui de Scardanelli, et de dates fantaisistes. L’expérience ultime de la poétique hölderlinienne décrit une sortie hors du temps et une dissolution dans la transparence. L’immense projet du Scardanelli-Zyklus qui a mobilisé le compositeur Heinz Holliger de 1975 à 1993 marque une expérience unique dans la musique du XXe siècle, un journal musical inexorable.

cherrierSophie Cherrier © Aymeric Warmé-Janville

Trois cercles s’organisent : les Saisons pour chœur mixte, Les exercices sur Scardanelli pour petit orchestre et bande. Enfin un cycle autour de la flûte, dont l’unique (t)air(e) conduit jusqu’aux limites physiologiques de l’interprète, Ad Marginem, l’une des pièces inspirée d’un tableau de Paul Klee, offre une clé pour tout Scardanelli : la fuite aux marges de la perception, ici les infra-graves et les infra-aigus, est l’expression d’une solitude et d’une étrangeté absolues. Comme le notait Schumann, frère en composition de Hölderlin et Holliger, c’est être « déchiré aux racines mêmes de l’existence ».

Heinz Holliger Scardanelli-Zyklus

Sophie Cherrier flûte
Choeur de la Radio lettone
Ensemble intercontemporain
Direction Heinz Holliger
Bande magnétique Nicolas Berteloot

19h, Cité de la musique, Médiathèque

Présentation du concert par Clément Lebrun, musicologue
Entrée avec le billet du concert dans la limite des places disponibles.
Réservation obligatoire : 01 44 84 44 84

Dans le cadre de la Biennale d’art vocal.
Coproduction Cité de la musique, Ensemble intercontemporain, Ircam-Centre Pompidou. Avec le soutien de Pro Helvetia, Fondation suisse pour la culture et de la Sacem. Concert diffusé en direct sur France Musique

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Heinz Holliger http://manifeste2013.ircam.fr/artist/heinz-holliger/ http://manifeste2013.ircam.fr/artist/heinz-holliger/#comments Tue, 16 Apr 2013 13:24:11 +0000 http://manifeste2013.ircam.fr/?post_type=artist&p=752 Heinz Holliger (né en 1939) fait ses premières études musicales aux conservatoires de Berne et de Bâle, avec notamment Sandor Veress en composition, entre 1955 et 1959. En 1962-1963, il intègre le CNSM de Paris, dans les classes d’Émile Passagnaud et Pierre Pierlot (hautbois) et d’Yvonne Lefébure (piano). De 1961 à 1963, il suit les cours de composition de Pierre Boulez à Bâle.

Heinz HolligerHeinz Holliger © Julieta Schildknecht

Il remporte le premier prix de hautbois du concours international de Genève en 1959, puis celui du concours de Munich deux ans plus tard. Sa carrière d’interprète connaît dès lors un très grand succès ; il devient l’un des plus éminents représentants de son instrument, repoussant ses limites techniques par des nouveaux modes de jeu et suscitant autour de lui de nombreuses œuvres pour le hautbois (de Berio, Carter, Ferneyhough, Ligeti, Lutoslawski, Stockhausen, etc.).

Outre ses activités de soliste et de chef d’orchestre, Heinz Holliger est un pédagogue reconnu, notamment à travers l’enseignement qu’il délivre à partir de 1966 à la Musikhochschule de Fribourg-en-Brisgau. Le compositeur est longtemps resté dans l’ombre du musicien, avant de connaître une progressive reconnaissance à partir des années quatre-vingt.

Son catalogue couvre tous les genres, de la scène aux oeuvres solistes, dont plusieurs pour son instrument (Studie über Mehrklänge, 1971) et celui de son épouse Ursula (la harpe, seule ou associée au hautbois comme dans Mobile de 1962), en passant par de nombreuses pièces vocales et orchestrales, parmi lesquelles ConcErto… ? Il s’inspire de poètes habités par la folie et la mort, comme Hölderlin, Beckett. Heinz Holliger vit à Bâle.

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