À propos d’Aliados et de sa création scénique

TRIBUNES

La mémoire est un des grands enjeux contemporains. La mémoire collective vis-à-vis d’événements récents, comme la mémoire individuelle – questionnée quotidiennement depuis la révélation sociale de la maladie d’Alzheimer et des maladies liées aux dégénérescences neurologiques – posent des questions extraordinairement sensibles : manipulation, interprétation, oubli volontaire ou involontaire, archives et technologies de conservation, corruption, destruction, approximation…

Le projet de Sébastián Rivas et Esteban Buch est passionnant en ce sens qu’autour d’un fait divers en marge de la grande histoire, il met en branle l’ensemble des paramètres politiques et humains d’une période bien peu lointaine, pourtant déjà un peu oubliée, et qui peut être assimilée à de nombreux moments de l’histoire courante, autant qu’à notre actualité.

rivas-gindtSebastian Rivas & Antoine Gindt © Philippe Stirnweiss

À partir de la relation d’une brève « rencontre de courtoisie », deux des principaux protagonistes de l’histoire politique et idéologique des années quatre-vingt sont confrontés à la fois à leur mémoire défaillante et aux faits avérés tels qu’ils ont été relatés et commentés, tels que nous les redécouvrons aujourd’hui avec le recul. Cette distorsion crée la tension nécessaire à un argument dramatique fort, relayé par les moyens musicaux, scéniques et technologiques, qui font eux-mêmes appel à une interprétation.

La dictature chilienne, le thatchérisme, la guerre des Malouines, sont dans le contexte de guerre froide et de partition du monde d’il y a trente ans, la trame de fond de Aliados. De cette hyper-réalité, de cette confrontation entre le spectacle, forcément décalé, plus léger et enjoué, et le documentaire doit naître une réflexion plus large sur notre position de témoin ou d’acteur de l’histoire en marche.

Pour mettre en scène ce spectacle, j’ai proposé à Philippe Béziat, réalisateur, d’y être étroitement associé. Quels meilleurs moyens en effet, pour signifier le « temps réel », que ceux de la captation audiovisuelle ? Ils permettent une virtuosité, une souplesse, l’intégration d’images d’archives aussi bien que la capture des situations théâtrales.

Notre objectif est donc de mêler intimement et simultanément la scène et son prolongement filmé, de manière à rendre sensible cette zone ambiguë de la mémoire, entre réalité et fiction. De créer, grâce à ces moyens, un objet hybride à chercher entre théâtre chanté et cinéma.

2 thoughts on “À propos d’Aliados et de sa création scénique

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